Pour cette troisième newsletter, j’ai choisi de nous placer sous le signe de la révolution !
Alors vous allez me dire : « The revolution » mais pourquoi ?
Plusieurs raisons à cela, les 2 premières sont les suivantes : il y a une eu une double révolution en ce début du mois de mars, initiée par la FIAC (foire internationale d’Art contemporain) qui, du 4 au 7 mars dernier, a créé sa 1ère édition entièrement online pour cause de pandémie. L’occasion pour elle de toucher un nouveau public (dont je fais partie). Un public qui, confortablement installé dans son canapé a pu découvrir, pendant 4 jours, une myriade d’artistes et de galeries de tous horizons.
L’autre révolution est que pour la première fois, les prix de chaque œuvre étaient affichés, ce qui est, en soi, assez exceptionnel. Des prix allant de moins de 1000 euros jusqu’à plus d’1 million d’euros. Cette petite révolution conforte mon point de vue sur le sujet (voir ma newsletter N°2 à propos du prix des œuvres) et le besoin de transparence évoqué dans le rapport Hiscox 2020 sur le marché de l’art en ligne.
Au sommaire de ce 3ème épisode :
– « L’art contemporain s’adresse t-il uniquement à un public élitiste ? » : une interview retranscrite d’Isabelle De Maison Rouge, critique d’art, commissaire d’exposition & professeure d’histoire de l’art contemporain à la NYU Paris. Quelques clés sur un sujet cher à « DE L’ART EN BARRE » pour mieux comprendre ma sélection FIAC.
– mes coups de cœur FIAC on line 2021 ainsi que ceux de grands noms de la « scène muséale de l’art contemporain parisien » dont Bernard Blistène, directeur du centre Pompidou mais aussi d’Emma Lavigne, présidente du Palais de Tokyo.
– enfin, pour ce qui est de mon actualité, et pour ceux qui ne me suivent pas sur instagram, je vous présenterai mon nouveau médium du moment, j’ai nommé la perle, qui a donné lieu à une nouvelle série (toujours en cours) intitulée « Diamonds & pearls ». Et comme c’était aussi les vacances scolaires (et donc le temps des stages d’ArtEcologie à L’atelier de Nadja,) je vous ai concocté un petit best of de mes élèves, artistes en herbe !
DE L’ART EN BARRE
Saison 1 / Episode 2 THE REVOLUTION, c’est parti !
L’ART CONTEMPORAIN S’ADRESSE T-IL UNIQUEMENT À UN PUBLIC ÉLITISTE ?
Comme vous le savez maintenant, cette question est une des raisons d’être « DE L’ART EN BARRE ».
À la grande question de « Qu’est-ce que l’art contemporain ? » et de son accessibilité, j’ai eu le loisir de regarder une interview (durée 16min) intitulée : « L’art contemporain s’adresse t-il uniquement à un public élitiste ? » d’Isabelle De Maison Rouge (critique d’art, commissaire d’exposition & professeur d’histoire de l’art contemporain à la NYU Paris).
En préambule, elle évoque le fait qu’il est vraiment dommage que l’enseignement de l’histoire de l’art à l’école s’arrête encore aujourd’hui, en 2021, à la fin du mouvement des impressionnistes (Monet, Manet, Renoir) et donc au début du 20 ème siècle.
Elle explique aussi que l’on confond souvent l’art contemporain et le marché de l’art contemporain, dont on parle beaucoup dans les médias par des ventes à des prix faramineux qui justement participent à le rendre élitiste.
DAMIAN HIRST – « For THE Love Of GOD », 2007
L’art contemporain débute à la fin des années 1950 / début des années 1960. Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, un certain nombre d’artistes européens se sont exilés aux États-Unis, créant ainsi l’expressionnisme abstrait (Mark Rothko, Willem de Kooning & Jackson Pollock) aussi appelé « école de New York ».
Andy Wharol serait LA figure majeure de l’art contemporain, faisant ainsi basculer, avec le pop art, l’art moderne vers l’art contemporain. Comment ? En rompant avec cette fameuse école de New York qui vient de naître et qu’il considère comme trop rigide et prétentieuse. Il va ainsi utiliser des éléments du quotidien (imagerie de la culture populaire) et les détourner. Ce que dit l’œuvre compte désormais plus que l’œuvre elle-même.
Andy WHAROL – « Campbell’s soup can », 1962
Andy WHAROL – « Orange Marilyn », 1964
Avec l’art contemporain, l’artiste utilise donc désormais toutes sortes de nouveaux médiums, en lien avec son époque (vidéos, installations, performances). Et la question du médium utilisé n’est plus au centre du débat des artistes contemporains. La question est plutôt : « quel moyen vais-je utiliser pour exprimer au mieux ce que j’ai à dire ? ».
Une autre spécificité de l’art contemporain est son aspect transversal et donc pluridisciplinaire, entamant ainsi un dialogue art/science ou art/nouvelles technologies ou encore art/géopolitique.
NAM JUNE PAIK – « Olympe DE GOUJES », 1989
Selon Isabelle De Maison Rouge, le but de l’art contemporain est de nous questionner sur le monde dans lequel nous vivons. Et certains de ces questionnements vont bien plus loin que le monde de l’art. Certes, certaines formes d’art contemporains sont, de prime abord, difficiles d’accès car développant des concepts parfois arides avec des textes très longs à lire. (Là, c’est moi qui parle : vous sentez le vécu ?)
L’art contemporain pose aussi la question du beau (art décoratif ?), question qui, avec le recyclage des matériaux est au cœur de ma démarche artistique : « L’art doit-il être beau ? » Mais le beau existe-il ? Tout cela reste bien subjectif. Et donc passionnant !
En conclusion, Isabelle de Maison Rouge explique que l’art contemporain doit amener à s’interroger et se questionner mais que nous ne pouvons en attendre des réponses. En clair, il n’est pas là pour nous rassurer. Elle cite en exemple l’artiste Christian Boltanski dont la démarche est une réflexion sur la mémoire. Où, quand la mythologie personnelle rejoint la mythologie universelle.
Christian BOLTANKI – « Monument », 1987
Pour finir, elle nous donne quelques clés pour « bien vivre l’art contemporain » :
– tout d’abord, voir beaucoup d’expositions (seul, avec un guide ou un médiateur) mais aussi oser pousser la porte des galeries (prendre le temps de lire les communiqués de presse en amont (disponibles sur les sites internet ou sur place),
– regarder les œuvres, issues de l’art contemporain, sans a priori et c’est là je crois un point TRÈS important : ne pas les comparer à ce que nous connaissons déjà (ex : une œuvre en 2D, c’est un Picasso ou un Van Gogh et une œuvre en 3D c’est un Rodin ou un Giacometti),
– ne pas vouloir tout comprendre tout de suite,
– ne pas attendre d’un artiste contemporain qu’il nous délivre un message clair, précis et concis. Je le répète : l’art contemporain est là pour pousser la réflexion qui va plus loin que l’objet que nous avons sous les yeux.
Voilà ! Merci à elle pour cet éclairage simple et très clair pour moi. Et pour vous ?
EXPO : FIAC « on line viewing room » 2021
Comme je le mentionnais en introduction, j’ai pris beaucoup de plaisir à me balader dans cette « viewing room on line » avec la joie, malgré le contexte actuel, de pouvoir voir, revoir mais surtout découvrir de nouveaux artistes.
Le visiteur virtuel que j’étais, avait le choix entre :
– aller directement voir des œuvres classées par médium
– découvrir des galeries
– ou visionner les choix de Bernard Blistène (durée : 3min) et Emma Lavigne (durée : 4min).
J’ai commencé par la 3ème option. Puis, j’ai éprouvé le désir de m’émanciper de leurs points de vus et me suis mise à « jouer à la collectionneuse ». C’est un jeu auquel je joue déjà depuis plusieurs années avec mon amie Eva. Ainsi, à chaque fois que nous allions, ensemble, voir une expo, #maviedavant, nous nous offrions, avant de quitter les salles du musée, le luxe d’acheter virtuellement 2 œuvres. Pas plus. Le choix était parfois cornélien. Mais quel plaisir immense, nous avions, à nous mettre, le temps d’un instant, dans la peau de Peggy Guggenheim ! #nostalgie. Et d’être les heureuses propriétaires de tirages photos de Sarah Moon, Cindy Sherman, de sculptures de Rachel Rose et de tableaux de Zao Wou Ki ou Jean-Michel Basquiat. Pour ne citer que ceux là.
J’ai donc décidé de rejouer à ce jeu. Et d’aller voir du côté des techniques mixtes (mon médium de prédilection). Et voici le résultat ! Ce qui a motivé mes choix : le fait qu’une œuvre interpelle mon regard et que j’ai envie d’en savoir plus. Mais aussi le nom de quelques nouvelles galeries (découvertes il y a peu via instagram) comme celle de Cécile Fakhoury basée à Abidjan et à Dakar et spécialisée en art contemporain africain. Idem pour la galerie Sémiose avec un coup de cœur pour l’artiste Moffat Takadiwa qui fera l’objet d’un portrait dans une prochaine newsletter sur l’ArtEcologie et le recyclage de matériaux.
Cathryn BOCH – « Sans titre », 2019 (160 x 70 x 25 cm)
(carte routière, cirage, carton, fil, image de presse, henné et couture) – 19 K€
J’ai ainsi retrouvé des artistes que je connaissais comme Cathryn Boch découverte en 2018 à la fondation villa d’Atris pendant l’expo « tissage et tressage ». L’artiste travaille, entres autres, avec des cartes routières qu’elle ponce puis coud, recoud et enduit de cirage. Elle y confronte ainsi la question des territoires et l’impermanence des frontières mais aussi les préoccupations sociales, politiques et écologiques qui s’y inscrivent. Ces cicatrices qu’elle inscrit dans le papier à l’aide d’une machine à coudre font écho au chaos des métamorphoses humaines et planétaires à venir.
Etienne CHAMBAUD – « Nameless », 2020 (200 x 160 x 3cm)
(sur toile : urine de lama, d’éléphant et d’ours, poudre de bronze, acrylique) – 30K€
Il y a aussi Etienne Chambaud découvert, lui, au hasard d’une de mes balades dans les galeries du Marais il y a 10 ans déjà. Dans ce tableau tiré de sa série « Nameless », il utilise l’urine des animaux (oui, oui vous avez bien lu ! Ici lama, éléphant, ours) qui, mélangée, entres autres, à de la poudre de cuivre crée une oxydation révélant un mouvement aléatoire. Le parfum, mais aussi les phéromones et autres protéines contenus dans chacune des urines animales possèderaient une qualité « sémiotique » liée au marquage du territoire. Cristallisée par le processus d’oxydation, apparaît alors une chose sans forme, chimère évanescente. Pour ma part, j’y vois l’état de notre planète après que nous l’ayons tellement exploitée qu’il n’en restera plus rien. Pure stérilité, paysage hypnotique.
Mes autres découvertes sont les suivantes : Shimabuku & Nobuko Tsuchiya, deux artistes japonais aux univers très différents.
SHIMABUKU – Symbiosis, 1992 (76 x109cm) – 7K€
Pour cette photographie de Shimabuku, j’ai tout de suite été attirée par la poésie et la beauté des choses simples qui s’en dégage. Ici un bol de légumes.
Puis, en faisant quelques recherches sur l’artiste, j’ai découvert cette vidéo (durée : 5 min) d’une exposition qu’il a donnée à l’automne 2018 au centre d’art Le Crédac, à Ivry-sur-Seine.
Je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous la première rencontre de l’artiste avec Claire Le Restif, directrice de ce centre d’art : « La première fois que j’ai rencontré son travail, c’était lors du Printemps de Cahors, en 1999. Il était assis sur un banc entouré d’un drôle d’équipage : deux pieuvres de Bali nommées Pandi et Panda, un chien en porcelaine kitschissime chiné aux puces et un grizzli en peluche plus haut que lui. Tous les après-midi, il restait assis sous son parasol. Sans rien faire de plus que d’attendre que l’on vienne le voir ou que se manifeste l’imprévisible ! »
Dans un autre article, j’ai lu le récit d’une performance de l’artiste qui avait, un jour, choisi de tirer un caddy-aquarium dans les rues de Tokyo pour offrir à un poulpe capturé aux environs de Kobé une visite touristique pour le moins inédite. Et de se demander ce que ce poulpe irait raconter à ses congénères de retour parmi eux. La question a l’air d’une fable, d’un conte sans conséquence mais elle interroge néanmoins l’indifférence et notre rapport au monde, notre cécité face à un environnement qui se dégrade inexorablement sous nos yeux. J’aime ces « bizarreries très engagées » qui me transportent ici dans le monde de Jacques Tati, cinéaste qui lui aussi à sa manière dénonçait déjà dans les années 1960 la folie de notre société de consommation.
Nokuko TSUCHIYA – Breve, 2020 (148×114 cm) – 10K€
La sculpture de Nobuko Tsuchiya est composée de silicone et d’air. Cette masse molle posée contre un mur de béton a aiguisé ma curiosité pour son côté organique. Ce coup de cœur confirme mon attirance par tout ce qui constitue le corps humain, nos tripes et nos boyaux en particulier, ces organes qui font le « sale boulot ». À la question du pourquoi, qui est aussi LA question à laquelle doit répondre un artiste pour écrire sa démarche artistique, je me souviens avoir répondu il y a 2 ans déjà, à mon formateur en entreprenariat artistique (Pierre Benoît Roux de La Condamine) que je voulais « aller à la rencontre de ce qui n’est pas soumis en nous ». Je réalise à quel point cette phrase me définit toujours. Aujourd’hui, plus jamais. Avec cette double ambition : interpeller, y compris esthétiquement (le beau/le laid), mais aussi utiliser des matériaux définis comme non-nobles. Sans oublier l’approche dada : créer sans se prendre trop au sérieux.
Pour revenir à cette sculpture, là aussi, sans rien connaître de cette artiste, je découvre, en faisant mes recherches, qu’elle crée ses œuvres en assemblant des objets familiers et des matériaux de rebut. C’est d’autant plus fou qu’ici, dans cette œuvre, on ne le devine pas nécessairement !
En parlant de « guts » (tripes en anglais), j’ai aussi découvert 2 autres artistes femmes (Doreen Garner et Sarah Lucas). Mais je nous les garde pour une de mes prochaines newsletter sur les femmes artistes. Je ne vous en dis pas plus !
Et voilà, ma balade est finie : j’ai acquis 4 œuvres et dépensé 66K€ ! Et j’en suis ravie car mon budget était illimité. Je suis surtout très heureuse de ces nouvelles découvertes !
Il est certain que j’aurais préféré les découvrir en vrai. Mais cette solution digitale m’a clairement donné envie d’aller à la prochaine FIAC. Un bon point n’est-ce pas ?
NADJA M ACTUALITÉ :
"Vis ma vie d'artiste !"
Rock is in the air – 2021 (21×29 cm)
Love is in the air – 2021 (21×29 cm)
Ce mois-ci, j’ai commencé une nouvelle série de collages-couture qui utilisent la perle. Le portrait ou l’autoportrait est toujours là ! Dans une approche pop féministe présentant des femmes fortes mais aussi androgynes. Le titre de la série « Diamonds & pearls » est un « tribute » à un de mes chanteurs préféré quand j’étais ado : Prince ! Et chose très étonnante : j’ai visionné, il y a peu, un documentaire sur Arte présentant l’artiste et j’ai réalisé que l’androgynie et la question du genre m’interpellaient déjà depuis toute jeune.
Quant aux titres de chacun de ces 2 collages : « Rock is in the air » et « Love is in the air », ils me rappellent (à l’heure où j’écris cette newsletter), cette publicité pour Air France : « France is in the air ». #dada.
Pour finir cette newsletter en beauté, place aux jolies réalisations des élèves de L’atelier de Nadja qui ont crée en recyclant des canettes de sodas mais aussi des bouteilles de lait (merci Raphaël) Voici « Loisèbre » d’Arthur (9 ans), « La fusée extra-terreste du « turfu » d’Isidore (11 ans), « Le requin-baleine et l’huître-perleuse » d’Armand (6 ans), et « Le scorpion » de Tibère (6 ans). Bravo à eux ! #artécologie #artistesdedemain
Voilà, « De L’ART EN BARRE », épisode 3, c’est fini ! J’espère que cette newsletter vous aura intéressés.
Et si oui, alors, je vous dis à dans un mois.
Cheers !